Revenu de base – L’explication de mon vote

L’Assemblée nationale a examiné le jeudi 31 janvier une proposition de loi du groupe parlementaire Socialistes et apparentés visant à expérimenter l’instauration d’un revenu de base. Ce revenu de base, inconditionnel et accessible dès 18 ans, serait composé de la fusion du revenu de solidarité active (RSA), de la prime d’activité et éventuellement des aides personnalisées au logement (APL).

Cette expérimentation, dont la durée serait de trois ans et qui viserait seulement 60 000 personnes sur quelques territoires, ne pourrait aboutir à une généralisation qu’à l’horizon 2025. Dans le cadre de la Stratégie de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement a annoncé vouloir créer et généraliser le revenu d’activité universel (RUA) d’ici la fin du quinquennat afin de rénover notre système de minima sociaux et pour en finir avec le non-recours, qui est estimé à 30% pour le RSA. Le RUA fusionnera le plus grand nombre de prestations possibles (RSA, Prime d’activité, APL, et peut être AAH, ASS, minimum vieillesse…). Une mission de préparation sera lancée en mars et une loi est prévue en 2020. Á travers l’instauration du RUA, l’objectif du Gouvernement est de créer pour les bénéficiaires une « garantie activité » combinant un accompagnement social renforcé et une véritable insertion dans l’emploi.

En effet, de nombreux rapports ont souligné toute la difficulté pour les bénéficiaires du RSA de bénéficier d’un véritable accompagnement vers l’emploi : 40 % des bénéficiaires du RSA ne sont toujours pas accompagnés six mois après leur demande de droits et la moitié des bénéficiaires du RSA le sont depuis au moins quatre ans. Cet accompagnement jugé insuffisant, voire inefficace, est de plus très variable selon les territoires. C’est pourquoi il me semble dangereux de proposer un accès inconditionnel au revenu de base, c’est-à-dire l’absence de droits et devoirs du bénéficiaire, qui élude complètement les moyens et actions en faveur de l’insertion professionnelle des bénéficiaires. La création d’un « service public de l’insertion » dans le cadre de la stratégie pauvreté du Gouvernement, mis en place avec l’ensemble des acteurs dont les départements, permettra d’assurer une protection universelle et égale pour tous, partout sur le territoire. Il ne s’agit donc pas de retirer une compétence aux départements mais bien de les soutenir, notamment financièrement par la création d’un fonds doté de 135 M€ en 2019, 117 M€ en 2020 et 208 M€ en 2021 à destination de ceux qui s’inscriront dans cette démarche pour mieux lutter contre la pauvreté et le non-recours.

Je tiens également à rappeler que le Gouvernement a créé un fonds d’urgence et accepté de relever le plafond du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), permettant de mobiliser près de 365 M€ supplémentaires par an pour soutenir les dépenses des départements les plus fragiles en matière d’aide sociale.

On peut également s’étonner que de nombreux présidents de département qui souhaitent aujourd’hui expérimenter le revenu de base étaient membres de la précédente majorité qui s’était opposée à deux reprises à sa création, optant plutôt pour la création de la prime d’activité et de la garantie jeune, plus à même de favoriser une réinsertion durable dans le monde du travail. Il est à noter que notre majorité a augmenté à partir du 1er janvier 2019 de 90 € la prime d’activité (après une revalorisation de 20 € au 1er octobre 2018) et élargi son éligibilité à un million de personnes supplémentaires. La prime d’activité produit par ailleurs des résultats particulièrement satisfaisants chez les jeunes qui n’avaient auparavant pas accès au RSA activité avec près de 500 000 bénéficiaires. Un rapport Gouvernemental proposera d’ici à six mois des moyens de lutter contre le non-recours (actuellement estimé à 25%) par l’automatisation de la prime d’activité.

Par ailleurs, cette proposition d’expérimenter un revenu de base par 18 départements n’est pas consensuelle au sein de l’association des départements de France (ADF), dont la majorité de ses membres estiment que cette disposition serait de nature à supprimer « l’accompagnement nécessaire et génèrerait de l’isolement social ».

Enfin, les organisations syndicales, CGT et FO en tête, sont également opposées au revenu de base, craignant un accroissement des inégalités de revenus et un signal négatif d’une société qui renonce face au chômage de masse.

La lutte contre la pauvreté nécessite la mobilisation de tous les acteurs et de changer radicalement les politiques qui sont mises en place depuis 20 ans. C’est seulement en poursuivant notre investissement massif dans la petite enfance, en garantissant un parcours de formation pour tous les jeunes et en simplifiant les prestations sociales et en accompagnant ses bénéficiaires que nous pourrons véritablement renverser les inégalités de destin.

Toutes ces raisons ont conduit le groupe La République en Marche à rejeter cette proposition de loi visant à expérimenter l’instauration d’un revenu de base. Il ne pourra cependant pas nous être reproché de ne pas voter un texte sous prétexte qu’il est issu d’un travail de l’opposition : sur les cinq propositions de loi du groupe parlementaire Socialistes et apparentés examinées ce jour par l’Assemblée nationale, deux ont été discutées, amendées et adoptées (ce qui n’a a jamais été le cas sous le précédent quinquennat).