CETA – L’explication de mon vote

Avec l’ensemble des députés, j’ai eu à me prononcer sur la ratification du CETA à l’Assemblée Nationale ce mercredi 17 juillet. Cet accord, travaillé depuis plusieurs années par les différentes majorités successives, a soulevé des inquiétudes tant chez nos agriculteurs que chez les défenseurs de l’environnement. J’ai d’ailleurs été saisi par leurs représentants, et j’ai pu entendre leurs questionnements légitimes dans notre département, où la filière bovine, réputée pour sa qualité, occupe une place cruciale. 

Il est bon de rappeler en préambule que la saisine en amont du Parlement sur la ratification d’un traité est une avancée majeure. Avant le quinquennat d’Emmanuel Macron, de telles discussions étaient l’apanage des Ministères. Or, dès notre arrivée à l’Assemblée en juin 2017, nous nous sommes saisis de ce dossier et avons créé, avec l’appui du Gouvernement et en toute transparence, un groupe de travail parlementaire indépendant sur le CETA. Les députés ont ainsi largement influencé les discussions, et porté plusieurs propositions qui aujourd’hui viennent accroitre les garanties fournies aux citoyens français en matière de préservation de notre agriculture autant que de respect de l’environnement.

Très loin d’être un « laisser-aller » libéral, le CETA est un traité d’échanges régulés, qui va permettre de rehausser de part et d’autre de l’Atlantique, avec un partenaire historique de la France, nos niveaux d’exigences sanitaires et environnementaux.

Le CETA, s’il est un accord commercial important, est néanmoins devenu l’objet de fantasmes et de surenchères politiques dommageables. 

Il est ainsi utile d’en revenir au cœur du sujet : qu’est-ce que le CETA ?

Le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) est un accord commercial passé entre l’Union Européenne et le Canada. Conclu en 2013, il a été signé par les dirigeants de l’Union Européenne et du Canada en 2016, suites à de longues négociations entre les Etats-Membres, y compris les différents gouvernements français. En 2016, François Hollande, alors Président de la République, disait du CETA qu’il « aurait des effets « favorables » sur l’emploi en France. Compte tenu des liens que nous avons avec le Canada, cet accord sera encore plus favorable aux entreprises françaises et donc à l’emploi en France. […] C’est une illustration de l’équilibre entre ce que nous devons rechercher comme ouverture et ce que nous devons affirmer comme principes ».

Le CETA est un traité dont la négociation a débuté en 2009, porté par Nicolas Sarkozy et salué par les élus UMP de l’époque. Il a ensuite été signé en 2016 par François Hollande au nom de la France. Nous traversons aujourd’hui un épisode de reniement collectif de la droite comme de la gauche qui en oublient le sens des responsabilités en sombrant dans la désinformation et en jouant sur les peurs.

Appliqué dans la majorité de ses aspects depuis février 2017, le CETA n’a pas entrainé de hausse des importations en France en provenance du Canada, y compris pour les filières agricoles. Contrairement aux idées reçues, c’est à l’agriculture française davantage que canadienne qu’a profité pour l’instant cet accord : les exportations françaises vers le Canada ont augmenté de 6,5% sur 2018, tandis que les importations canadiennes vers la France ont baissé de 6,6%. Notre excédent commercial est passé de 50 à 400 millions d’euros : des emplois ont donc été créés en France.

La France est le 2ème bénéficiaire des investissements canadiens en Europe ! Dans le détail, c’est :

+ 16,4% d’exportations vers le Canada pour nos parfums

+ 6% pour les vins et alcools

+ 8,2% pour les produits agroalimentaires

+ 19% pour les produits laitiers et le fromage

+ 13,5% pour les exportations textiles

+ 87,5% pour les véhicules et équipements

S’ils étaient remplis dans leur intégralité, ce qui est loin d’être le cas, les quotas d’importations de viande bovine représenteraient moins de 1% de la production de viande bovine au sein de l’UE et un peu plus de 3% de la production française. A contrario, notre agriculture s’exporte bien : ainsi, les exportations de produits laitiers vers le Canada ont augmenté de 19% pour 2018.

L’accord va par ailleurs permettre à 42 indications géographiques protégées (IGP) françaises (produits du terroir) d’être protégées sur le marché canadien. 

Pour les filières de qualité du département, il s’agit donc d’un débouché potentiel, comme notamment pour notre viticulture ou notre production de foie gras.

Dès lors, pourquoi tant de craintes ? 

Il est évident que le modèle agricole canadien est différent de notre modèle français. Les normes en vigueur ne sont pas les mêmes, notamment concernant l’utilisation d’hormones ou d’OGM.

Sur ces différents points, le Président de la République a adopté une position extrêmement ferme, consolidée par les travaux des parlementaires. Un groupe de travail s’est constitué travail régulièrement depuis plus de 18 mois sur cette thématique. Un plan d’action pour une mise en œuvre du CETA et pour un niveau d’ambition plus élevé en matière sanitaire, environnementale et climatique pour les futurs accords a été rendu public par le gouvernement le 25/10/2017 suite aux recommandations adressées par les députés.

Le véritable enjeu de notre agriculture, et à plus forte raison de nos filières animales, est celui de la traçabilité. Aujourd’hui, les consommateurs portent une exigence forte de transparence sur l’origine des produits. Il nous faut collectivement nous engager dans cette dynamique, en étant plus exigeants et mieux informés. C’est par exemple le sens d’une expérimentation nationale sur l’indication de l’origine du lait et de la viande dans les produits transformés, prolongée jusqu’en mars 2020 à la demande à la fois des associations de consommateurs et des syndicats agricoles. 

Non, nous n’importerons pas l’agriculture que nous ne voulons pas !

Aujourd’hui il y a 35 exploitations agricoles au Canada qui sont en capacité d’exporter en Europe parce qu’elles répondent aux normes européennes. La loi Egalim interdit l’importation en Europe de produits qui vont à l’encontre des normes européennes, et le texte du CETA entérine cette obligation pour les deux partis. Avant de pouvoir exporter vers l’UE, une filière doit être auditée sur place par les services de la Commission européenne. 

Alors non, le CETA n’est pas l’ouverture de nos frontières au bœuf aux hormones : le bœuf aux hormones est interdit à la commercialisation partout dans l’UE, quel que soit le pays de provenance et qu’il existe ou pas d’accord commercial avec ce pays.

De la même manière, pour les farines animales, la réglementation européenne reste inchangée depuis l’entrée en vigueur provisoire du CETA : elles ne sont pas autorisées dans l’alimentation des bovins et l’importation de viande issue de bovins nourris aux farines animales est interdite. Lorsque les pesticides sont interdits d’usage dans l’UE, les produits agricoles importés doivent se conformer à un seuil maximum de résidus de ces pesticides, scientifiquement établi par les autorités sanitaires européennes afin de ne pas constituer un danger pour la santé ou l’environnement. Le CETA ne modifie en aucune manière les normes sanitaires qu’applique l’Union européenne aux produits alimentaires importés, et notamment aux produits d’origine animale.


Et l’environnement ?

En avril 2018, le Ministre de la transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot et son homologue canadienne, Catherine McKenna, ont signé un partenariat franco-canadien sur l’environnement et le climat. Dans ce cadre, nous agissons ensemble pour demander l’inclusion dans les négociations climatiques des deux secteurs liés aux accords de commerce et exclus des Accords de Paris : le transport maritime et le transport aérien. 

Le Canada a, depuis le 1er avril dernier, mis en place une taxe carbone au niveau national. Elle s’applique à 21 combustibles différents (essence, diesel, carburant d’avions, etc). L’objectif du gouvernement canadien est de continuer à avancer dans la voie d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 30% d’ici à 2030 par rapport à 2005, comme promis dans l’Accord de Paris.  Le Canada a également annoncé, en 2018, un financement accru de 1,35 milliards de dollars canadien (900M d’euros) pour soutenir des projets de protection de la biodiversité et doubler la superficie de ses aires de nature protégée.

Plus largement, lors de l’examen du projet de loi de ratification du CETA en séance publique, mercredi 17 juillet, le Ministre Jean-Baptiste Lemoyne a déclaré « si le Canada devait, un jour, sortir de l’Accord de Paris, l’article 30.9 du CETA prévoit une clause de dénonciation et en toute cohérence avec la position que nous avons portée vis-à-vis des États-Unis nous aurions recours à cette clause ». 

Ce n’est pas par le repli que nous pourrons agir pour l’environnement, mais bien par l’échange et le partage des pratiques et des enjeux. Le CETA, c’est une opportunité d’accroitre la portée de l’Accord de Paris, de généraliser au Canada les normes exigeantes en matière de biosécurité portée par la France et l’UE.

Aussi, devant les garanties fournies par le Gouvernement et l’opportunité que représente cet accord pour nos filières à l’exportation, je me suis prononcé en faveur de la ratification du CETA et je suivrai avec attention les travaux d’évaluation qui seront menés par la suite autant que le respect des garanties actées par le Gouvernement.